S’il est rare de passer toute sa carrière dans une seule entreprise, trois membres de la famille Anctil l’ont pourtant fait chez Résolu. Pendant plus de 60 ans, Léopold Anctil et ses enfants Michèle et André ont été forestiers en Mauricie au Québec.
Issu d’un milieu très pauvre dans le Bas-Saint-Laurent, Léopold Anctil a payé ses études en jouant au hockey et au baseball : il recevait 50 $, même 100 $ pour un coup de circuit. En 1956, avant même la fin de ses études en foresterie, il est engagé par la Consolidated Paper en tant qu’ingénieur.
Le nouveau métier de Léopold l’a mené très loin dans la forêt avec sa jeune épouse, Lucille Martel-Anctil. Au Dépôt Cyprès, dans ce qui est aujourd’hui le parc du Mont-Tremblant, le couple faisait partie de sept familles de forestiers qui habitaient un petit camp de 50 baraquements. Même l’hiver ! « La neige atteignait presque le fil de téléphone », se rappelle la jeune épouse d’alors, qui y a vécu cinq ans. « J’ai adoré, assure-t-elle. Ce n’était pas le gros luxe, mais j’étais très heureuse. »
Leurs enfants Michèle, l’aînée, et André sont nés à deux ans d’intervalle au Dépôt Cyprès, avant que la famille s’établisse définitivement à Grand-Mère. Parfois, il leur arrivait d’accompagner leur père en camp forestier : toute une aventure ! « Quand on voit les camps et la machinerie forestière, c’est impressionnant pour un petit bonhomme », se rappelle André.
Ingénieure dans un milieu d’hommes
Qu’André suive les traces de son père n’avait donc rien de surprenant. En revanche, la décision de Michèle de se lancer en foresterie a fortement étonné ses parents… surtout après son baccalauréat en piano classique. « Michèle, ça a été la surprise de notre vie ! Jamais on n’aurait pensé ça », raconte Lucille. Nouvellement ingénieure forestière, Michèle est atterrie en 1983 chez Résolu. « Dans le temps, elle était la seule forestière », se souvient André.
« Quand je suis sortie de l’université, c’est sûr qu’ils pensaient que j’étais l’infirmière dans les camps, s’amuse Michèle. Des fois, quand j’appelais, ils pensaient que j’étais la secrétaire de Michèle Anctil et que Michèle Anctil était un homme ! »
En tant que coordonnatrice en aménagement forestier durable, Michèle Anctil a entre autres participé à l’implantation de normes de foresterie durable sur des terrains privés. Maintenant retraitée, Michèle dit avoir adoré son emploi et avoir été, dès le début, très bien acceptée dans ce milieu d’hommes. Même si « des fois, ils ne s’attendaient pas à voir arriver une fille ».
Le lanceur forestier
Quant à lui, André Anctil, le cadet, est technicien forestier chez Résolu depuis 1989. Son plus beau souvenir est d’avoir pu côtoyer son père au travail avant qu’il ne prenne sa retraite, en 1990. « Je travaillais surtout en forêt, explique André, mais quand on avait des rapports à écrire, on allait au bureau à La Tuque et je passais le voir. » Tous deux se ressemblaient d’ailleurs beaucoup, selon leur ancien collègue Guy Tremblay. « André, c’est le calme olympien, ce qui était un trait de son père. Michèle est plus comme sa mère : elle a tout le temps eu un tempérament extraverti, elle est très passionnée. »
Léopold Anctil est décédé en 2010 à Grand-Mère, où la famille réside encore. Il était aimé de tous, et particulièrement de son fils. « Mon père était super, numéro un. Il était posé et plein de sagesse. C’est lui qui m’a appris à jouer au baseball. » Comme son père, André est devenu un joueur étoile : il a été lanceur dans la ligue junior majeure du Québec pendant cinq ans.
André reste le dernier Anctil encore au travail chez Résolu, mais la retraite approche pour lui aussi. Même retraités, frère et sœur ne quitteront jamais vraiment la forêt. Michèle possède même sa propre terre à bois. « Ça fait du bien d’aller en forêt, souligne l’ancienne ingénieure forestière. C’est reposant, c’est bon pour la santé, c’est calme. C’est beau de voir tous les travaux qu’on a faits, d’améliorer nos peuplements, de voir la régénération. Ça a été mes belles années, la forêt. »