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Les épidémies de tordeuse des bourgeons de l’épinette ne causent pas les fermetures d’usine, mais elles y contribuent

La décision qui a été prise en décembre de réduire la capacité de production de papier journal découle de la faiblesse persistante des marchés mondiaux pour ce produit. Toutefois, ce phénomène a été exacerbé par les problèmes liés à l’approvisionnement en fibre. Au Québec, un de ces problèmes concerne les infestations massives de tordeuse des bourgeons de l’épinette. Cet insecte est un des plus destructeurs des peuplements de conifères de l’Amérique du Nord et sa propagation a affecté l’approvisionnement en bois de l’usine de Baie-Comeau.

L’épidémie actuelle, qui a commencé en 1992, a vu son rythme de propagation s’accélérer en 2006, surtout dans les régions de la Côte-Nord et du Saguenay ̶ Lac-Saint-Jean. Entre 2006 et 2014, la superficie infestée est passée de 50 000 hectares à plus de quatre millions d’hectares. Depuis trois ans, la zone atteinte a augmenté de près de 62 %, et 45 % de celle-ci se situe dans la catégorie de « défoliation grave », c’est-à-dire que la majorité des arbres ont perdu leur feuillage sur toute la longueur de la cime.

Un ravageur de 30 mm
À maturité, la chenille de la tordeuse mesure de 20 à 30 millimètres de longueur. Elle a un appétit vorace pour le sapin baumier et l’épinette blanche. Au printemps, la larve émerge de son cocon de soie, appelé hibernaculum, elle ne mesure que 1,5 millimètre de longueur et elle se nourrit du pollen des fleurs en attendant l’ouverture des bourgeons.

Dès que les nouvelles pousses se déploient, les chenilles s’y tissent un cocon et elles s’y nourrissent jusqu’à ce qu’elles parviennent à maturité. Ces tordeuses plus grosses sont responsables de 85 % de la défoliation. En trois à cinq ans, une infestation aura détruit la cime de l’arbre, voire l’arbre en entier.

Les arbres morts peuvent encore être récoltés et servir à fabriquer de la pâte, mais il faut une plus grande quantité de ce bois infecté pour produire une tonne de papier journal, et le processus est plus coûteux. En raison de sa mauvaise qualité, il faut soumettre la fibre qui provient des arbres infectés à un blanchiment pour éliminer les taches causées par la tordeuse et produire un papier de qualité acceptable.

Les coûts associés aux travaux de récolte sont plus élevés parce que nous devons payer plus cher pour récolter de la fibre de qualité inférieure. C’est vrai aussi pour la transformation et la production.

L’épidémie actuelle touche un territoire grand comme la Suisse
Les insectes, le feu et les maladies sont des perturbations naturelles qui affectent la forêt boréale, mais les menaces les plus importantes sont ces épidémies récurrentes et répandues de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Depuis que les chercheurs ont remarqué une augmentation fulgurante de la population de tordeuse en 2006, quelque quatre millions d’hectares de forêt au Québec ont été affectés – un territoire grand comme la Suisse.

Les épidémies se produisent généralement tous les 20 à 40 ans et la dernière épidémie majeure, qui a duré de 1970 à 1987, a affecté 58 millions d’hectares de forêt boréale. Pour le Québec seulement, on estime qu’elle a causé des pertes d’approvisionnement en bois équivalant à 20 ans de récolte.

Comprendre la cause pour protéger la forêt boréale
Des travaux de recherche menés par Ressources naturelles Canada ont démontré que les populations de tordeuse des bourgeons de l’épinette augmentent d’abord dans les secteurs où les ennemis naturels sont incapables de freiner l’accroissement de la densité locale de la tordeuse. Dans ces conditions, leur taux de reproduction augmente et la migration des papillons peut accroître les populations locales, entraînant une progression des populations de tordeuses des bourgeons de l’épinette sur un très vaste territoire.

La SOPFIM, l’agence québécoise de protection des forêts, étudie actuellement l’influence que peuvent avoir les changements climatiques sur une épidémie. Il est probable qu’il s’agisse des interactions entre les conditions météorologiques et celles des forêts qui permettent de déterminer où plutôt que quand les infestations surviennent.

On s’entend généralement pour dire que les infestations prennent fin quand la quantité d’arbres endommagés ne peut plus soutenir la population de tordeuse. Ce phénomène s’accompagne souvent d’une augmentation de mortalité des tordeuses par de nombreux ennemis naturels comme les oiseaux ou les araignées, mais les plus importants sont les parasitoïdes. Les différentes espèces s’attaquent à différents stades de la tordeuse (l’œuf, la chenille ou la chrysalide).

Que fait-on pour en venir à bout?
L’utilisation d’un insecticide biologique pour contrôler la propagation dans un secteur donné est une méthode utilisée de façon restreinte. De plus, elle coûte cher. Les coûts d’application, de 4 $ à 10 $ l’hectare pendant les années 70 et 80, ont grimpé pour dépasser 65 $ l’hectare en 2012. On réserve donc cette méthode aux peuplements de grande valeur ou à haut risque.

À l’heure actuelle, les travaux se concentrent sur la surveillance des populations de tordeuse des bourgeons de l’épinette et de leurs fluctuations. Grâce à un réseau de postes d’observation permanents, les chercheurs peuvent mesurer la taille des populations et prédire les tendances à court ou à moyen terme.

On a proposé de nouvelles méthodes d’intervention précoce qui ciblent les épicentres des infestations afin de prévenir la progression à grande échelle. On peut aussi accroître la résistance des peuplements à la tordeuse des bourgeons de l’épinette en augmentant la diversité des essences et en réalisant des travaux d’éclaircie commerciale dans les zones encore intactes.

 

Source de l’image : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Choristoneura_fumiferana_larva.jpg

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